Maupassant, le passeur
d’images 1
Sensible aux paysages et aux couleurs, Guy de Maupassant se définissait comme « un regardeur ». Photophobe, il entretenait une étrange relation avec sa propre image, veillant à ne pas diffuser son portrait. Mort le 6 juillet 1893, Maupassant n’a pas connu le cinématographe. Qu’aurait-il pensé de la première projection publique qui eut lieu à Paris le 28 décembre 1895 ? L’invention des frères Lumière trouva très tôt un grand intérêt aux œuvres maupassantiennes, dont le style et l’écriture se prêtaient à la mise en images. De 1908 à nos jours, on compte plus d’une centaine d’adaptations de ses contes et de ses romans au cinéma et à la télévision. La vie de Maupassant tenta aussi les cinéastes. Citons Monsieur de Maupassant ou le Procès d’un valet de chambre (1973) de Jean-Pierre Marchand, sur un scénario d’Armand Lanoux d’après les Souvenirs de François Tassart (Maurice Barrier dans le rôle de Maupassant) et Guy de Maupassant (1982) de Michel Drach, reconstitution très personnelle des deux dernières années de l’écrivain, insistant sur ses amours tumultueuses et son internement (Claude Brasseur incarne Maupassant). Bibliographie : - Hennebelle Guy, éd., Maupassant
à l’écran, CinémAction, TV n°5, Corlet/Télérama, avril 1993. Nous avons utilisé cet
ouvrage essentiel pour les adaptations qui demande, cependant, à être complété
et actualisé. - Boucris Luc, De l'écrit à l'écran : Maupassant, Renoir, Santelli, ADAPT éd., 1996. Ø
Contes et Nouvelles Maupassant écrivit plus de 300 contes et nouvelles, en partie réunis dans 15 recueils. Ces récits courts, d’abord parus dans les journaux de l’époque, plaisent toujours autant aux lecteurs d’aujourd'hui. Réalistes ou fantastiques, drôles, légers ou au contraire acides et pathétiques, ils balayent des registres et des thèmes très divers. Il serait impossible de citer en détail toutes les nouvelles et leurs adaptations filmiques : plus de cinquante contes ont été transposés et plusieurs récits traitant de thèmes voisins parfois mêlés dans un même téléfilm, afin de l’étoffer. Nous renverrons pour cela à l’ouvrage déjà cité Maupassant de l’écrit à l’écran. Signalons toutefois que l’écriture alerte et précise de Maupassant et la brièveté de ses récits, souvent qualifiés de pré-cinématographiques, ont séduit la télévision : en 1961-1962, Carlo Rim réalisa une série de 13 téléfilms en noir et blanc tirés des contes et nouvelles ; Claude Santelli, quant à lui, regroupa 6 adaptations en 1986 sous le titre L’Ami Maupassant. · Boule de suif « Boule de suif […] est un chef-d’œuvre », écrivait Flaubert. Même si ce n'est pas la première nouvelle de Maupassant, c'est sans nul doute le récit qui l’a imposé comme un maître. D’abord parue dans le recueil collectif des Soirées de Médan, l’histoire, inspirée d’un fait divers, se déroule pendant la guerre de 1870 : dix personnes fuyant Rouen envahi par les Prussiens ont pris place dans une diligence. Parmi elles, Elisabeth Rousset, une prostituée surnommée Boule de suif à cause de son embonpoint, se donnera à un officier allemand pour sauver les autres voyageurs qui pourtant la méprisent. L’espace clos de la diligence fait ressortir l’hypocrisie et la bassesse des bourgeois. Ernst Haycox s’inspirera de la nouvelle pour écrire Stage to Lordsburg, qui déplace l’action aux Etats-Unis. John Ford en fera le western que l’on connaît. En France, il faut attendre 1945 pour voir la nouvelle de Maupassant portée à l’écran. Le scénario d'Henri Jeanson, Louis Hée et Christian-Jaque fait directement référence à la situation de 1939-1945. Le film engagé est un hommage à la patrie et à la Résistance. Cornudet devient le symbole du résistant, défendant et consolant Boule de suif. Le comique n'est pas absent de l'adaptation qui se veut une satire des collaborateurs et des occupants, avec une Boule de suif magistralement incarnée par Micheline Presle. Adaptations : 1928 : The Woman disputed (Une femme rejetée ), USA, Henry King (muet) 1932 : Shangaï Express, USA, Josef Von Sternberg (80 minutes) 1934 : Pychka, URSS, Mikhaïl Romm (muet) 1935 : Maria no Oyuki (Oyuki la vierge), Japon, Kenji Mizoguchi (72 minutes) 1939 : Stagecoach (La Chevauchée fantastique), USA, John Ford (97 minutes) 1943 : Night Plane from Chungking, USA, Ralph Murphy 1944 : The Silent Bell (Mademoiselle Fifi), USA, Robert Wise (69 minutes) 1945 : Boule de suif, France, Christian-Jaque (103 minutes) 1951 : Pékin express, USA, William Dieterle 1966 : Stagecoach (La Diligence vers l'ouest), USA, Gordon Douglas (114 minutes) 1983 : dans L'An 40, France, TV, Claude Santelli (12 minutes) 1986 : Stagecoach (La Chevauchée fantastique), USA, TV, Ted Post (100 minutes) · La Maison Tellier Publiée en 1881, La Maison Tellier se situe dans la continuité des récits sur la prostitution. C'est la nouvelle réaliste de Maupassant la plus célèbre après Boule de suif. D’ailleurs, Guy écrivait à sa mère : « C'est au moins égal à Boule de suif, sinon supérieur ». La maison close de province, tenue par Madame Tellier, est « fermée pour cause de première communion » au grand dam des habitués. Après un périple en chemin de fer, les pensionnaires assistent à la cérémonie et sont émues par Constance, nièce de Madame, et l’ambiance de l’église. La nouvelle fournit à Max Ophuls un épisode du Plaisir (1952). Le scénario de Jacques Natanson et Ophuls respecte l’atmosphère de la nouvelle, passant par toutes les tonalités, du rire au pathétique. Le film est servi par des acteurs confirmés : Madeleine Renaud (Madame Tellier), Danielle Darrieux (Madame Rosa), Ginette Leclerc (Balançoire), Mila Parély (Madame Raphaële), Pierre Brasseur (le commis-voyageur), Jean Gabin (Joseph Rivet). Adaptations : 1952 : La Maison Tellier dans Le Plaisir, France, Max Ophuls (95 minutes) 1964 : A Quiet Buisiness
(Un commerce tranquille), Suisse, Met Welles, Guido Franco (resté
inédit) 1981 : La Maison Tellier, France-Espagne,
Pierre Chevalier (103 minutes) · Une partie de campagneImmortalisée à l’écran par Jean Renoir, Une partie de campagne (1881) se déroule à Bezons, sur les bords de Seine, où les Dufour, une famille de commerçants parisiens, vont déjeuner. La mère, Pétronille, et sa fille, Henriette, connaîtront le plaisir et l’amour dans les bras de deux canotiers, Rodolphe et Henri. Henriette épousera le commis de son père, un insignifiant « garçon aux cheveux jaunes », et gardera le regret de cette brève étreinte. Plusieurs passages de la nouvelle ont été mis en valeur par Renoir : l’escapade des deux couples dans l’île et la scène d’amour d’Henri et Henriette dans la cabane alors que le rossignol pousse son cri au rythme des amants. Adaptations : 1936/1946 : Partie de campagne, France, Jean Renoir (40 minutes) 1972 : Le Jour des noces, Suisse, TV, Claude
Goretta (75
minutes) · Mademoiselle Fifi Dans cette
nouvelle parue en 1882, Maupassant reprend les thèmes de la guerre et de la
prostitution qui ont fait son succès. Occupant un château en Normandie, des
officiers prussiens désœuvrés font venir des filles de joie. L’un d’eux, un
petit blondin surnommé Mademoiselle Fifi, insulte la France et maltraite Rachel.
La prostituée patriote lui enfonce un couteau dans la gorge. Elle se sauve et
épousera, quelque temps près, un homme bien. Maupassant renouvelle ainsi le
motif romantique de la prostituée au grand cœur, rédimée par ses bonnes
actions. Dans son film, Christian-Jaque a mêlé deux nouvelles Boule de suif
et Mademoiselle Fifi, ce qui a entraîné des modifications importantes de
l'intrigue originelle. Après avoir cédé au Prussien à Tôtes, Boule de suif et
les voyageuses se retrouvent au château d'Uville où elles servent de compagnes
aux envahisseurs. Boule de suif poignarde d'Eyrik et se réfugie dans le clocher
comme Rachel dans la nouvelle. En 1992, Claude Santelli fait incarner Fifi par
un acteur brun, Yves Lambrecht, tout comme Christian-Jaque avait confié ce rôle
à Louis Salou. Adaptations : 1944 : The Silent Bell (Mademoiselle Fifi), USA, Robert Wise (69 minutes) 1945 : Boule de suif, France, Christian-Jaque (103 minutes) 1949 : Mademoiselle Fifi, USA, TV, S. Rubin 1992 : Mademoiselle Fifi, ou Histoire de rire, France, TV, Claude Santelli (89 minutes) · Ce cochon de MorinPublié en 1882 dans Gil Blas, cette nouvelle réaliste relate l’histoire de Morin, mercier à la Rochelle, « arrêté pour outrage aux bonnes mœurs » car il a embrassé de force une jeune fille dans un train. Henriette, qui s’était débattue contre Morin, cède à Labarbe, venu plaider la cause de son ami le mercier. Ce conte doux-amer a été porté trois fois au cinéma. La Terreur des dames de Jean Boyer, sur un scénario de René Barjavel, transforme Morin en libraire qui brigue un mandat de maire. Adaptations : 1924 : Ce cochon de Morin, France, Victor Tourjansky (67 minutes) 1932 : Ce cochon de Morin, France, Georges Lacombe (87 minutes) 1956 : La Terreur des dames, France, Jean Boyer (93 minutes) · Deux AmisComme Boule de suif et Mademoiselle Fifi, Deux amis (1883) se déroule pendant la guerre franco-prussienne. Deux camarades, Morissot et Sauvage, décident d’aller pêcher malgré les consignes des occupants. Arrêtés comme espions, ils sont fusillés par les Prussiens. Ce récit qui commence de façon bon enfant tourne au drame. Les deux Parisiens connaissent le triste sort des poissons qu’ils ont pris, comme l’indique l’officier teuton : « Fais-moi frire tout de suite ces petits animaux-là pendant qu’ils sont encore vivants. Ce sera délicieux. » La brièveté de la nouvelle et l’économie de moyens insistent sur la cruauté et l’absurdité de l’existence. Adaptations : 1946 : Deux Amis, France, Dimitri Kirsanov (28 minutes) 1959 : La Grande Guerre, Italie-France, Mario Monicelli (135 minutes) 1962 : Deux Amis, France, TV, Carlo Rim (30 minutes) · Yvette Réécriture du récit Yveline Samoris (1882), Yvette (1884) a pour cadre le monde des courtisanes. L’héroïne éponyme, jeune fille naïve, tente de se suicider quand elle prend conscience qu’elle risque de devenir une demi-mondaine comme sa mère la pseudo-marquise Obardi. Contrairement à Yveline, Yvette survivra pour tomber sans doute dans les bras du viveur Servigny qui la convoitait depuis longtemps. En 1971, Jean-Pierre Marchand donne une très jolie adaptation de la nouvelle pour la télévision. Le scénario d’Armand Lanoux reconstitue l’atmosphère de la Grenouillère et de son bal flottant, avec des couleurs très proches des tableaux impressionnistes. France Dougnac y incarne une Yvette pleine de fraîcheur. Adaptations : 1917 : Yvette, URSS, Victor Tourjansky (muet) 1927 : Yvette, France, Alberto Cavalcanti (muet) 1938 : Yvette, Die Tochter einer Kurtisane (La Fille d’une courtisane), Allemagne, Wolfgang Liebeneiner 1971 : Yvette, France, TV, Jean-Pierre Marchand (104 minutes) · L’HéritageComme Yvette, L’Héritage (1884) est une réécriture d’un conte intitulé Le Million, paru en revue deux ans plus tôt. Il dépeint la vie de petits fonctionnaires du ministère, profession que Maupassant avait observée de l’intérieur, lors de son passage dans ce corps. Cachelin donne en mariage à son jeune collègue Lesable sa fille, Coralie, qui doit hériter d’une vieille tante. Quelle n’est pas la stupeur des époux à la lecture du testament : la demoiselle laisse toute sa fortune à sa nièce à condition qu’elle ait un enfant dans les trois ans, faute de quoi l’argent ira aux pauvres ! Les jeunes mariés se mettent donc à l’ouvrage, en vain. Lesable tombe malade et devient rapidement la risée de sa femme et de son beau-père, d’autant que la nouvelle s’est répandue au ministère. Juste avant l’expiration du délai, Coralie tombe enceinte d’un collègue de son mari. L’honneur est sauf et l’argent restera dans la famille. On appelle la petite fille « Désirée ». Parmi les quatre adaptations, le téléfilm de 1986 avec Sonia Volleraux en Coralie et Georges Géret dans le rôle de Cachelin faisait bien apparaître la satire sociale. Adaptations : 1951 : Coralie dans Trois Femmes, France, André Michel (104 minutes) 1963 : La Herencia (L’Héritage), Argentine, Ricardo Alvertosa 1965 : L'Héritage, France, Jean Prat (85 minutes) 1986 : L'Héritage, France, TV, Alain Dhénaut (55 minutes) · La ParureNouvelle réaliste prenant pour cadre la Capitale, La Parure (1884) a beaucoup inspiré les cinéastes. Elle contient tous les ingrédients appréciés du public : fatalité, suspens, mélodrame. Madame Loisel, femme d’un petit employé du ministère, rêve d’une vie frivole. Elle emprunte la parure de diamants d’une amie, Madame Forestier. Lors d’une soirée mémorable, Madame Loisel perd le précieux collier. Elle ne dit rien à son amie et s’endette pour le remplacer. Après dix ans d’un travail acharné destiné à rembourser la dette contractée, Madame Loisel apprend fortuitement de Madame Forestier que la rivière de diamants perdue était fausse. Tout l’art de Maupassant réside dans ce retournement final, qui fait du récit un conte cruel. Adaptations : 1909 : The Necklace (Le Collier), USA,
David Wark Griffith 1915 : The Necklace of pearls (Le Collier de
perles), USA, P.Thanhouser 1921 : The Diamond Necklace (Le Collier de
diamants), GB, Denison Clift 1925 : Yichuan Zhenshu (Un collier de perles),
Chine, Li Zeyvan 1949 : The Diamond Necklace (Le Collier de
diamants), USA, Sobey Martin 1957 : La Parure, France, TV, R. Favar 1961 : La Parure, France, TV, Carlo Rim (30 minutes) 1966 : Smycket (Le Bijou), Suède, Gustav
Molander · ToineToine, cabaretier à Tournevent, aime rire et s’amuser, jusqu’au jour où il est paralysé suite à une attaque. Il se retrouve alors à la merci de sa femme qui décide de l’employer à une bien étrange besogne : lui faire couver des œufs ! Cette farce normande, publiée dans la presse en 1885 et aussitôt rassemblée dans le recueil du même nom, dénonce la mentalité paysanne. Elle a donné lieu à plusieurs courts-métrages. En 1952, le comique italien Eduardo de Filippo s’en inspire pour son œuvre Marito e Moglie, dont la première partie, Tonio, transpose le récit dans le contexte napolitain. Adaptations : 1952 : Tonio dans Marito e Moglie (Mari
et Femme), Italie, Eduardo de Filippo 1962 : Toine, France, TV, Carlo Rim (30 minutes) 1980 : Toine, France, Edmond Séchan (15 minutes) · Le HorlaConte fantastique le plus connu de Maupassant, écrit en 1887, Le Horla se présente sous la forme d’un journal inachevé qui laisse craindre que son propriétaire n’ait sombré dans la folie. En effet, après avoir vu passer devant chez lui un trois-mâts brésilien, le narrateur croit percevoir une présence insolite à ses côtés. Plusieurs expériences le mènent à la conclusion suivante : un être invisible, qu’il nomme le Horla, est venu faire de lui son esclave. Son miroir ne lui renvoie d’ailleurs plus son reflet. La seule solution paraît la destruction par le feu. C'est ainsi que le diariste incendie sa maison où il croit avoir enfermé l’être invisible. Maupassant a renouvelé le thème du double, présent dans la littérature fantastique depuis Hoffmann, en se servant des dernières réflexions scientifiques et médicales à la mode, notamment l’hypnose et les travaux sur l’hystérie de Charcot dont il suivait les séances à la Salpêtrière. L’œuvre connut plusieurs adaptations. Adaptations : 1914 : Zlatcha Notch (La Nuit terrible), URSS, Evgueni Bauer 1915 : Para Gnedych (Le Journal d'un fou), URSS, Yakov Protazanov 1917 : Le Yogi, Allemagne, Paul Wegener 1962 : Diary of a Mad Man (L'Etrange Histoire du juge Cordier), USA, Reginald Le Borg (96 minutes) 1966 : Le Horla, France, Jean-Daniel Pollet (38 minutes) 1987 : Le Horla, France, Pierre Carpentier (16 minutes) 1996 : Hantises, France, Michel Ferry (80 minutes) · Le Rosier de Madame HussonEgalement paru en 1887, Le Rosier de Madame Husson n’a pas un arbre pour héros mais un jeune homme vertueux, équivalent d’une rosière. Madame Husson ne trouve aucune jeune fille sérieuse susceptible d’être couronnée selon la tradition. Seul Isidore, le fils de la fruitière, correspond aux critères de respectabilité. Il est couronné « rosier » lors d’une grande cérémonie et reçoit une grosse somme d’argent. A l’issue du repas, Isidore disparaît et revient, quelques jours plus tard, ivre et sale, ayant traîné dans les mauvais lieux. Cette farce fut adaptée deux fois : en 1931, la déchéance d'Isidore, joué par Fernandel, est passée sous silence ; en 1950, Marcel Pagnol, auteur du scénario, imagine que le personnage, Bourvil, est déniaisé par une dame patronnesse. Adaptations : 1931 : Le Rosier de Madame Husson, France, Bernard Deschamps (80 minutes) 1950 : Le Rosier de Madame Husson, France, Jean Boyer (84 minutes) · Le PortFigurant parmi les contes tardifs de Maupassant, Le Port (1889) réunit deux thèmes obsédants de son œuvre : la prostitution et l’inceste. A Marseille, le marin Célestin Duclos se rend dans un bouge et choisit une fille pour la nuit. Au matin, il découvrira que la prostituée est sa sœur Françoise. La fatalité de l’écrit permettait une adaptation mélodramatique. Le scénario de Claude Santelli déplace l'action de Marseille vers la Normandie et étoffe le récit avec des éléments empruntés à d'autres nouvelles sur l’amour vénal : L'Odyssée d'une fille (1883) et L'Armoire (1884). Adaptations : 1933 : La Mujer del puerto (La Femme du port), Mexique, Arcady
Boytler 1949 : La
Mujer del puerto (La Femme du port), Mexique, E. Gomez Muriel 1974 : Le Port, France, TV, Claude Santelli (60
minutes) 1991 : La Mujer
del puerto (La Femme du port), Mexique,
Arturo Ripstein · MoucheDans cette nouvelle extraite du recueil L’Inutile Beauté (1890), Maupassant utilise ses souvenirs de jeunesse, du temps où il canotait à Argenteuil. Cinq jeunes canotiers se partagent les faveurs de Mouche, petite barreuse peu farouche. Celle-ci tombe enceinte et ne sait pas qui est le père. Les canotiers décident donc d’adopter l’enfant. Mais Mouche tombe d’un ponton ce qui provoque une fausse couche. Devant le désespoir de la jeune femme, l’un des canotiers lui dit : « Console-toi, petite Mouche, console-toi, nous t’en ferons un autre ». Marcel Carné n’a pu achever le tournage du film tiré de ce récit, sur un scénario de Didier Decoin. La dernière adaptation de Mouche transpose librement la nouvelle en déplaçant l’action de nos jours aux Etats-Unis. L’héroïne, Kimberly, devient la mascotte de quatre amateurs d’aviron et attend un enfant de l’un d’eux. Le film comporte une happy end « politiquement correcte », puisque la barreuse épouse le père de l’enfant, le seul des quatre qu’elle ait connu charnellement. Adaptations : 1951 : Mouche dans Trois Femmes, France, André Michel (104 minutes) 1970 : Les Doux Jeux de l'été passé, Tchécoslovaquie,
TV, Ivray Herz (55
minutes) 1991 :
Mouche, France, Marcel Carné (inachevé) 1999 : Kimberly, USA, Frederic Golchan (105 minutes) Ø Romans S’il est surtout connu comme conteur, Maupassant fut aussi romancier. Parmi ses huit romans, dont deux inachevés L’Âme étrangère et L’Angélus dont ne nous possédons que des fragments, cinq ont fait l’objet d’adaptations filmiques. Ayant pour cadre la Province – la Normandie dans Une vie et Pierre et Jean, l’Auvergne dans Mont-Oriol – opposée à Paris – Bel-Ami, Fort comme la mort et Notre Cœur –, les romans de Maupassant proposent des tranches de vie, l’auteur replaçant son héros ou son héroïne dans son milieu et son époque. ·
UNE VIE Premier roman de Maupassant, paru en feuilleton puis en volume en 1883, Une vie retrace l’existence de Jeanne Le Perthuis des Vauds, fille unique de hobereaux normands. L’œuvre, dont l’action se déroule sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, suit l’itinéraire sentimental de l’héroïne depuis sa sortie du couvent jusqu’à l’âge mûr. Ayant épousé Julien de Lamarre, séducteur brutal, Jeanne ira de désillusions en désillusions : elle découvrira les infidélités de son mari, la faiblesse de ses parents, un secret familial qui la mèneront au bord du suicide ; elle connaîtra la jalousie, le désespoir de l’épouse bafouée, le veuvage et l’ingratitude de son fils unique Paul, qui la délaissera au moment où elle en aura le plus besoin. Ce roman réaliste, qui propose, à travers l’histoire de Jeanne, une représentation de la condition féminine au XIXe siècle, a été porté deux fois à l’écran. Dans le film d’Alexandre Astruc, qui s’achève par la mort de Julien (1ère partie du roman), Maria Schell interprète le rôle de Jeanne avec beaucoup de conviction. Adaptations : 1947 : Une vie, Finlande, Toïvo J. Särkkä 1958 : Une vie, France-Italie, Alexandre Astruc (86 minutes) 2004 : Une vie, France, TV, Elisabeth Rappeneau (90 minutes) · Bel-Ami Publié en 1885, ce roman, qui retrace l’ascension sociale de Georges Duroy, alias Bel-Ami, est sans doute l’œuvre romanesque qui a le plus séduit scénaristes et réalisateurs internationaux. Les thèmes sont éternels : le sexe, l’argent et le pouvoir. Contrairement à Une vie, dont le rythme lent s’accordait parfaitement à la vie étriquée de Jeanne, Bel-Ami a pour cadre un monde parisien trépidant dans lequel le héros, arriviste et séducteur, veut se frayer un chemin. Véritable « homme-fille », changeant et inconstant dans le domaine de l’amour comme dans celui des idées, Duroy se sert de son corps et des femmes pour s’élever, d’où le surnom de Bel-Ami, que Laurine, fillette de Clotilde de Marelle, l’une de ses maîtresses, lui a donné. A travers le personnage, l’auteur nous fait découvrir le milieu du journalisme et de la Haute Banque, sur fond de scandales politico-financiers. George Sanders, Jean Danet, Jacques Weber ont prêté leurs traits au séducteur à la moustache frisée. Récemment adapté en Italie pour Rai 2, Bel-Ami se passe de nos jours en Toscane dans le monde de la haute couture, avec Hardy Kruger Junior dans le rôle titre. Adaptations : 1919 : Bel Ami, Italie, Augusto Genina 1939 : Bel-Ami, Allemagne, Willi Forst (96 minutes) 1946 : El buen mozo. La historia de una canalla, Mexique, Antonio Momplet (102 minutes) 1947 : The Private affairs of Bel Ami, USA, Albert Lewin (115 minutes) 1955 : Bel-Ami, France-Autriche, Louis Daquin (85 minutes) 1966 : Bel Ami 2000 oder wie verführt man einen Playboy ?, Autriche, Michael Pfleghar (90 minutes) 1976 : L'Emprise des caresses, Suède, Mac Ahlberg 1979 : Bel Ami, Italie, TV, Sandro Bolchi 1983 : Bel-Ami, France, TV, Pierre Cardinal (deux épisodes 285 minutes) 2002 : Bel Ami, l’uomo che piaceva alle donne (l’homme qui plaisait aux femmes), Italie, TV, Massimo Spano (deux épisodes) · Mont-Oriol Roman des villes d’eaux, Mont-Oriol, troisième œuvre romanesque de Maupassant, parut en 1887. Christiane Andermatt, venue en Auvergne suivre un traitement contre une prétendue stérilité, s’éprend de Paul Brétigny dont elle aura une fille, tandis que son mari William Andermatt spécule sur des terrains de la région. L’intrigue amoureuse se double ainsi d’une intrigue financière, à laquelle s’ajoute une satire du milieu médical. L’œuvre n’a été adaptée qu’une seule fois, pour la télévision, par Serge Moati en 1980. Adaptation : 1980 : Mont-Oriol, France, TV, Serge Moati (90 minutes) · Pierre et Jean Premier roman de Maupassant porté à l’écran en 1924 et le plus adapté après Bel-Ami, Pierre et Jean, paru en 1888, a pour cadre la ville du Havre où vivent les Roland. Après des études à Paris, leurs deux fils Pierre, l’aîné, médecin, et Jean, avocat, décident de s’installer dans cette ville. Cependant, une somme d’argent laissée en héritage au cadet par un ami de la famille, M. Maréchal, exacerbe la rivalité des deux frères, opposés au physique comme au moral. Un soupçon naît chez Pierre : et si son frère était le fils de Maréchal ? Peu à peu, il découvrira la vérité et le secret familial : sa mère a entretenu une liaison avec Maréchal. Contre toute attente, c’est l’aîné, le fils légitime, qui sera exclu du cercle familial et s’engagera comme médecin de bord sur un transatlantique. Cette atmosphère de secret et de non-dit avait de quoi séduire les spectateurs. Dans la version de Michel Favart, François Marthouret interprétait un Pierre Roland très convaincant. Adaptations : 1924 : Pierre et Jean, France, E.B. Donatien 1926 : Bara en danserska (Seulement une danseuse), Suède, Olof Molander 1943 : Pierre et Jean, France, André Cayatte (72 minutes) 1951 : Una mujer sin amor (Une femme sans amour), Mexique, Luis Buñuel (80 minutes) 1973 : Pierre et Jean, France, TV, Michel Favart (95 minutes) 2003 : The Legacy, Canada-GB, Dan Ireland 2003 : Pierre et Jean, France, TV, Daniel Janneau (90 minutes) · Fort comme la mort Après Balzac, Goncourt, Zola, Maupassant écrivit un roman sur la peinture. Le titre de ce cinquième roman publié en 1889 est tiré du Cantique des Cantiques : « L’amour est fort comme la mort, et la jalousie est dure comme le sépulcre. » Il s’agit en effet davantage d’une histoire d’amour que d’une réflexion sur l’art pictural. Olivier Bertin, peintre célèbre, tombe amoureux d’Annette de Guilleroy, fille de son ancienne maîtresse, Anne. L’artiste vieillissant retrouve dans la fille la mère qu’il a connue jeune. Cette passion platonique amène Bertin et son amie Anne à réfléchir sur la fuite du temps et la déchéance. L’œuvre s’achève sur la mort accidentelle du peintre. Très « mélo », considéré comme proche des écrits de Paul Bourget, Fort comme la mort a donné lieu à une seule adaptation télévisée, avec Michel Vitold (Bertin) et Marina Vlady (Anne de Guilleroy). Adaptation : 1982 : Fort comme la mort, France, TV, Gérard Chouchan (98 minutes) Parcours
cinématographique : Palmarès Bel-Ami : 7 films, 3 téléfilms Boule de suif : 10 films, 2 téléfilms Ce cochon de Morin : 3 films Deux Amis : 2 films, 1 téléfilm Fort comme la mort : 1 téléfilm L’Héritage : 3 films, 1 téléfilm Le Horla : 7 films Mademoiselle Fifi : 2 films, 2 téléfilms La Maison Tellier : 3 films Mont-Oriol : 1 téléfilm Mouche : 3 films, 1 téléfilm La Parure : 6 films, 2 téléfilms Pierre et Jean : 5 films, 2 téléfilms Le Port : 3 films, 1 téléfilm Le Rosier de Madame Husson : 2 films Toine : 2 films, 1 téléfilm Une partie de campagne : 1 film, 1 téléfilm Une vie : 2 films, 1 téléfilm Yvette : 3 films, 1 téléfilm Principaux réalisateurs Astruc Alexandre : Une vie, 1958 Boyer Jean : Le Rosier de Madame Husson, 1950 Buñuel Luis : Una mujer sin amor, 1951 Cardinal Pierre : Bel-Ami, 1983 Carné Marcel, Mouche, 1991 (inachevé) Cavalcanti Alberto : Yvette, 1927 Cayatte André : Pierre et Jean, 1943 Chouchan Gérard : Fort comme la mort, 1982 Christian-Jaque : Boule de suif, 1945 Daquin Louis : Bel-Ami, 1955 De Filippo Eduardo : Marito e Moglie, 1952 Dieterle William : Pékin express, 1951 Favart Michel : Pierre et Jean, 1973 Ford John : Stagecoach (La Chevauchée fantastique), 1939 Forst Willi : Bel-Ami, 1939 Godard Jean-Luc : Masculin-Féminin, 1966 Goretta Claude : Le Jour des noces, 1972 Griffith David Wark : The Necklace (Le Collier), 1909 Lewin Albert : The Private Affairs of Bel Ami, 1947 Marchand Jean-Pierre : Yvette, 1971 Michel André : Trois Femmes : Zora, Coralie, Mouche, 1951 Mizoguchi Kenji : Maria no Oyuki (Oyuki la vierge), 1935 Moati Serge : Mont-Oriol, 1980 Ophuls Max : Le Plaisir, 1952 Renoir Jean : Partie de campagne, 1936 Rim Carlo : Toine, 1962 Santelli Claude : Mademoiselle Fifi, ou Histoire de rire, 1992 Särkkä Toïvo J. : Une vie, 1947 Tourjansky Victor : Yvette, 1917 Von Sternberg Josef : Shangaï Express, 1932 Wise Robert : The Silent Bell, 1944 Ø
Œuvres délaissées par le cinéma Bon nombre d’œuvres de Maupassant n’ont pas inspiré les réalisateurs, notamment la plupart des contes fantastiques : Apparition, Un fou… Certains sujets ont sans doute été jugés trop durs pour être mis en images : suicide (Suicides, L’Endormeuse, Promenade), cruauté envers les animaux (L’Âne, Coco, Pierrot), sadisme (Moiron), nécrophilie (La Tombe), pédophilie (Châli), inceste (L’Ermite, Monsieur Jocaste)… Parmi les contes réalistes et fantastiques reste à adapter entre autres : Contes et nouvelles Allouma La Baronne Ça ira Le Crime au père Boniface L’Inconnue Le Lit 29 Miss Harriet Monsieur Parent Nuit de Noël La Relique Les Rois Les Sœurs Rondoli Un fou… Roman : Notre cœur Ce dernier roman achevé de Maupassant (1890), jugé par certains comme pré-proustien, se situe dans les milieux aristocratiques et les salons. L’héroïne, Michèle de Burne, est une femme moderne entourée d’admirateurs : André Mariolle, Massival, Gaston de Lamarthe, Georges de Maltry. Curiosa Cinéastes et réalisateurs ont parfois puisé dans les œuvres moins connues du grand public. Certains ignorent en effet que l’auteur de Boule de suif et de Bel-Ami s’est d’abord essayé à la poésie, au théâtre et a produit des écrits pornographiques. Michel Boisrond a ainsi adapté pour la série rose la pochade A la feuille de rose, maison turque (FR3, 1986, 24 minutes). 1. Noëlle Benhamou, « Maupassant, le passeur d’images », éditorial pour le catalogue du Festival « De l’encre à l’écran », Tours, avril 2004, p.66-69. L'article d'origine sera complété et mis à jour régulièrement. Pour plus de précision, consulter les rubriques Tableau par oeuvre, Tableau par date et Adaptations. |